Comment l'apprentissage automatique* peut être mis au service du développement - Prémisses d’une culture de l’open innovation

30 novembre 2019

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En rejoignant l’Accelerator Lab que le PNUD Maroc a récemment lancé, j’ai entrepris un voyage passionnant à l’intersection de la recherche, de l’innovation par les utilisateurs et de comment repenser nos moyens d’atteindre les objectifs de développement durable ODD plus rapidement — Je partagerai une série d’articles sur nos apprentissages tout au long du chemin à parcourir entre #Intelligenceemotionnelle, #Intelligenceartificielle et #Intelligencecollective.

L’apprentissage automatique ou le « machine learning » en anglais est l’utilisation d’algorithmes qui apprennent au fur et à mesure à partir de données, de manière autonome ou semi-autonome. Les applications de cet apprentissage automatique se multiplient dans tous les secteurs, suscitant de nouvelles inquiétudes concernant les emplois à venir et les questions de confidentialité, mais, en même temps, entraînant une ascension fulgurante d’opportunités d’application. Dans le secteur du développement, les possibilités d’application et d’accélération de l’impact sont sans précédent, à l’instar de la collecte des données sur les risques et les vulnérabilités dans les pays exposés aux catastrophes naturelles.

Un exemple frappant de l’application de l’apprentissage automatique pour accélérer l’impact est le projet Jetson. Ce projet, qui a été lancé en 2017 par le service d'innovation de l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, prédit les déplacements à l'intérieur et à l'extérieur de la Somalie et aide à comprendre comment les données peuvent être utilisées pour anticiper les mouvements de population en Afrique subsaharienne. Jetson est une solution basée sur l’apprentissage automatique conçue pour prévoir les futurs mouvements humains (arrivées / départs) dans des régions ou des pays spécifiques. L’algorithme continue à apprendre et à évoluer avec le temps, passant d’un état de départ statique à un visuel de consolidation des données très dynamique sur les conflits et les déplacements dans la région, en triangulant une multitude de références. Ainsi, Jetson a continué d'évoluer au fur et à mesure des boucles de données générées par les utilisateurs et d’autres variables affectant les mouvements de réfugiés et de personnes à l'intérieur de leur propre pays.

Ici, au PNUD Maroc, l’Accelerator Lab envisage de tester une solution d’apprentissage qui matérialise le côté humain de l’accompagnement à l’employabilité à travers un parcours de mentorat. Face à un taux de chômage élevé chez les jeunes (22% chez les hommes et 28% chez les femmes), le Maroc est déterminé à investir dans l’emploi et à s’ouvrir à des approches innovantes.

En raison même de son apprentissage continuel et de l’importance accordée à la cocréation de solutions initiées par les utilisateurs selon des processus « open innovation », pour reprendre le vocabulaire employé par le PNUD, le Maroc a beaucoup à partager sur sa stratégie nationale pour l’emploi avec le reste du monde, et notamment avec les pays à faible revenu.'

Ainsi, l'accompagnement des jeunes vers des emplois décents qui pourrait naviguer la réalité contingente du marché du travail, demande une proximité et une réactivité avec les jeunes servis. Une telle proximité est plutôt complexe à mettre à l'échelle comme l'est l'apprentissage sur mesure[1], l’écoute des aspirations des jeunes[2] ou encore le mentorat. Et si les sciences cognitives et l’apprentissage automatique pouvaient rendre de telle solutions plus efficientes et efficaces ? C’est l’hypothèse de départ que nous allons tester, d’abord pour le mentorat, à travers quatre quasi-expériences avec un groupe randomisé de personnes servies. Ces expériences permettront d’étudier les interactions entre les mentors et les jeunes et devraient révéler les déclencheurs susceptibles d’optimiser le mentorat.

Expérience #1 : Aller au-delà de la compréhension du problème pour comprendre les personnes servies

En matière de déploiement de dispositifs d’accompagnement à l’emploi, les réflexions se basent souvent sur l'inadéquation entre formation et emploi, ce qui est essentiel mais ne représente qu’une pièce d’un grand puzzle. D’autre pièces, qu’il serait intéressant de cerner pour compléter le puzzle, se situent du côté des chercheurs d’emploi, où une multitude de variables entre en jeu. Des variables qui peuvent aider à comprendre en profondeur les personnes servies et révéler de simples déclencheurs de comportements liés, par exemple, à l’intensité de l’effort de recherche d’emploi et à la façon dont les personnes servies envisagent leur futur.

Cette quasi-expérience s'effectuerait en collaboration avec nos partenaires de connaissances, et devrait démontrer dans quelle mesure le mentorat est parvenu à déclencher des comportements qui mettent les personnes servies sur la bonne voie pour décrocher un emploi. Ultimement, l’expérience aboutira à une série d’expérimentations qui permettraient de construire une base d’évidences.

Expérience #2 : Combiner la pensée systémique à la conception d'une expérience éthique

Les jeunes diplômés qui restent aujourd’hui inoccupés sont souvent extrêmement fragiles. Ils peinent à investir dans leur développement professionnel, alors qu’ils sont touchés par des périodes de chômage prolongées et confrontés aux changements des besoins du marché du travail. Comment, à l’échelle de tout un pays, concevoir un modèle de mentorat qui pourrait faire passer une communauté de jeunes diplômés de blocages intrinsèques et défis extrinsèques à une montée en puissance aussi bien en termes de compétences que d’aspirations pour se reconstruire en permanence et bâtir leur persévérance ?

Cette expérience se penchera sur des méthodes collectuves inédites pour adresser les enjeux complexes lies à l’employabilité des jeunes, en un temps court, en mettant les personnes servies au-devant de la cocréation et des pensées. L’Accelerator Lab serait aussi voué à créer un référentiel méthodologique éthique sur ce continuum. Dans ce sens, la mobilisation d’une communauté de personnes servies en tant que beta-testeurs serait un levier essentiel pour donner une dimension éthique aux solutions qui surfaceraient de ces expériences.

Expérience #3 : Faire les choses non seulement différemment, mais aussi d’une manière plus efficace

Les persinnes sevies mériteraient des interactions quotidiennes édifiantes qui correspondraient à leurs besoins, en tirant le meilleur arti possible du temps qu'elles passeraient à interagir avec des mentors volontaires, une machine générant des conversations (en guise de mentor), ou une combinaison des deux oprions. L'option de mentorat sera selectionnée grâce à une série d'expériences. Partant du constat que la quasi-majorité des jeunes servis se connectent très régulièrement en ligne, notre solution entends tirer pleinement parti de leurs habitudes d’usage des réseaux sociaux pour cocréer et tester une solution de mentorat qui accélérerait le processus de recherche d’emploi d’une manière efficace en s’appuyant sur des données provenant de sources multiples.

Une des hypothèses qui seront testées est la combinaison d’un système de mentorat en face-à-face avec un système d’apprentissage automatique qui permettrait d’apprendre continuellement et de manière indépendante des milliers d’interactions de mentorat, faisant évoluer la solution au fil du temps. 

Si cette expérience le confirme, nous investirons dans la cocréation d’un système d’apprentissage automatique adapté aux différents besoins des personnes servies, en leur présentant exactement ce qu’ils doivent entreprendre ensuite pour une meilleure insertion professionnelle.

Expérience #4 : l’apprentissage automatique augmentant l'intelligence humaine

Quand on évoque l’apprentissage automatique, on cite généralement ses promesses séduisantes de surpasser l’intelligence humaine par ses pouvoirs computationnels et autres fonctionnalités permettant de puiser dans plusieurs sources de données. Or le principal atout de l’apprentissage automatique demeure ses utilisateurs, et donc la prise en compte continuelle de leurs feedbacks qui permet justement à l’apprentissage automatique une efficacité hors normes — à l’instar de la capacité à imiter intimement nos interactions humaines comme le fait l’algorithme icone Replika et d’autres émobots qui réagissent à nos émotions et s’occupent de notre santé mentale de manière ludique.

Notre solution d'apprentissage automatique devrait ainsi être "formée" au modèle de mentirat testé, il faudra des milliers et des milliers de données pour former la machine. Nous devons ensuite concevoir des passerelles sur des données révélant la réalité changeante du marché du travail. Sa capacité de mentorat s'améliorera avec le temps. Et ce n'est qu'après l'optimisation de la solution que celle-ci pourra guider correctement les jeunes servies à trouver un emploi approprié et épanouissant. Parallèlement, une une dimension d’intelligence émotionnelle mettrait ces apprentissages en action en cocréant un parcours de bout en bout pour mentorer les jeunes diplômés pour trouver un emploi. La solution diffuserait ainsi à petites doses des conseils cognitivo-comportementaux et des options concrets de débouchés en temps réel  —offrant une nouvelle forme de mentorat pour l’emploi.

Najoua SOUDI

Head of Solutions Mapping UNDP Accelerator Lab

[1] https://www.banquemondiale.org/fr/news/feature/2019/02/14/customized-job-training-promotes-youth-employment

[2] Reference, page 8: https://ideas4development.org/uploads_old/2017/07/Livret-de-la-conference-sur-lemploi-des-jeunes-en-Afrique-continentale.pdf