3 surprenants points communs entre votre cerveau, mon travail au UNDP Accelerator Lab et la ville de Kigali

26 septembre 2019

Image caption. Photo : UNDP

En tant que Head of Experimentation aux UNDP Accelerator Lab des Nations Unies l'un des tout premiers événements auxquels j'ai assisté était un entraînement intensif « bootcamp » autour de l'innovation à Kigali, au Rwanda. Je suis bien de retour de Kigali et ma perception du monde a changé, chaque jour de cette formation intensive a remis en question ce que je tenais pour acquis. Alors que mon cerveau opérait ce recadrage intense, je ne pouvais pas m'empêcher de remarquer que mon nouvel emploi fonctionnait lui-même comme un cerveau à part entière. Je pense que le UNDP Accelerator Lab est une entité vivante, avec une impulsion, avec une âme et avec des connexions neuronales très similaires à ce qui se passe dans notre cerveau. En même temps, j'ai réalisé que la ville de Kigali était également vivante, avec des règles et des connexions lui conférant un rythme unique. Les gens parlaient beaucoup plus lentement et les idées se déroulaient beaucoup plus rapidement, créant une chaine de montagnes russes d'émotions que je commence tout juste à organiser correctement. Dans cet article, je vous parlerai de ce sentiment intense de similarité entre notre cerveau, mon travail et la ville de Kigali.

1. Trait commun Nº1: Accélération et facteur de croissance

Lorsque vous avez fait l’expérience de nouvelles activités d'apprentissage à l'âge adulte, vous avez peut-être senti que votre apprentissage était un processus physique. Pour les chercheurs qui ont étudié le fonctionnement du cerveau, il semble que l’acquisition de nouvelles connaissances soit représentée par de nouvelles connexions entre nos cellules. La puissance et la construction des connexions cérébrales sont accélérées par des composés chimiques appelés «facteurs de croissance».

Lorsque vous apprenez quelque chose de nouveau, vous ressentez une vive émotion. C’est le même sentiment que j’ai eu lors d’une promenade dans les rues de Kigali, si loin de ma zone de confort. Le pays semble s'être reconstruit sur un ensemble de pratiques innovantes favorisant sa croissance. En 2000, le Rwanda a mis en place une stratégie de développement à long terme appelée Vision 2020 afin d’accélérer la transition et d’aller au-delà des préjugés associés à l’histoire du pays. Dans ce cas-là, les «facteurs de croissance» chimiques sont une série d’initiatives visant à attirer les investissements étrangers: des institutions clés renforçant les liens entre les structures existantes et de nouvelles infrastructures permettant de canaliser la croissance, de réduire considérablement la corruption et de superviser par exemple la réglementation des entreprises et de l’environnement par la création du Rwanda Development Board (2009), permettant au pays d’atteindre un taux de croissance de 7% par an.

Mon travail est basé sur l’idée que l’effort de développement mondial peut être accéléré par l’apprentissage et l’expérimentation. Le réseau du UNDP Accelerator Lab vise à mieux répondre aux besoins de la population en écoutant et en tirant des leçons des problèmes auxquels les gens sont confrontés et des solutions qu'ils proposent eux-mêmes. Je suis en quelques sorte, cet agent chimique qui cherche des connexions entre les neurones existants et tente d'accélérer l'apprentissage. Nos sociétés semblent fonctionner comme un cerveau avec des règles, des principes et des processus, mais parfois nous n’utilisons pas notre cerveau à son plein potentiel et nous ne pouvons pas stimuler les bons récepteurs pour obtenir un changement positif. La même compréhension peut être exprimée à propos de l'ONU, parfois, le poids de la bureaucratie rend difficile de maintenir en vie les liens avec les personnes que nous servons. Mon rôle est d’accélérer notre apprentissage et de maintenir ces liens en vie.

2. Trait commun Nº 2: l'art de redéfinir et reformuler 

Kigali doit encore faire face à des défis, notamment parce que les biens commerciaux produits au Rwanda n’ont que peu de valeur ajoutée industrielle, ce qui n’attire pas les investissements. Néanmoins, lorsque vous vous promenez dans les marchés de Kigali, vous pouvez ressentir un changement: les femmes confectionnant des habits sont installées à l’entrée de tous les magasins de vêtements. Le pays a lancé une campagne intitulée «Made in Rwanda» et a augmenté les taxes à l'importation afin de redéfinir et reformuler une situation défavorable et de mettre l'accent sur les solutions émanant de la population. Les entrepreneurs locaux n'ont toujours pas accès aux financements mais les incitations à innover sont omniprésentes, Kigali organise même une fashion week très prometteuse!

Pendant notre formation intensive, nous avons été invités à nous rendre sur le marché de Kigali et à interviewer les gens sur les défis qu’ils rencontrent et leurs solutions novatrices propres. Cet exercice n’était pas facile au début, nous devions faire très attention et respecter la culture locale et je redoutais d’offenser ou de mal comprendre. La nouvelle approche du PNUD est tellement rafraîchissante à cet égard, car elle nous pousse à aller au-delà de notre zone de confort et à remettre en question la pertinence de nos actions programmatiques, à aller au-delà de ce qui est évident et à rechercher des moyens inhabituels de construire des projets pouvant être réellement adoptés par les personnes confrontées à des difficultés, et d'aller au-delà d'une vision du développement qui ne fait que recueillir des informations et s’en aller. J'ai appris que, quelle que soit la solution que l’on proposera, elle ne devra jamais être un simple outil de collecte de données, mais plutôt un outil collectif associant les populations afin qu'elles puissent voir comment les discussions que nous avons menées ensemble ont contribué à la conception d'une solution par les Nations Unies mieux adaptée à leurs besoins.

Je suis très reconnaissant à mes interlocuteurs d’avoir accepté que je les prenne en photo alors qu’ils m’expliquaient comment de petites inventions leur facilitaient la vie quotidienne. Elle, elle utilise une sorte de clou pour tresser ses cheveux, nous avons essayé sur mes propres cheveux et cela a fonctionné! Elle m’expliqua que ce produit était si populaire qu'il avait été commercialisé mais «qu’à l'origine, il ne s'agissait que d'une sorte de clou tout simple». Lui, il m’a expliqué que les méthodes traditionnelles de fermentation du lait et du beurre dans ce pot brun peuvent créer une variété infinie de goûts. La forme et le matériau utilisés pour faire ce pot sont le produit d'années d'intelligence collective compilées pour affiner le goût et la texture du produit laitier qui en résulte.

Redéfinir et reformulerest un art et parfois même une thérapie. Je vous invite à réfléchir au recadrage cognitif et à la puissance de votre cerveau pour identifier et contester vos pensées afin de recadrer votre expérience. Au lieu d'être victime d'un problème rigide, vous pouvez reformuler votre interprétation du stimulus et la façon dont vous vivez les événements et les émotions afin de trouver des alternatives plus positives et de créer des solutions inattendues à vos problèmes. Ce que notre cerveau nous dit, c’est que les solutions sont partout, il s’agit simplement de communiquer à nous-mêmes et au monde les bons messages afin de les découvrir. Je suis ravie que le PNUD m'offre la possibilité de reformuler ce que je tenais pour acquis et de trouver des solutions uniques dans des endroits inattendus.

3. Trait commun Nº3: un réseau de nœuds empathiques et ce, même au repos

Un nœud dans un réseau est un point de connexion qui peut recevoir, créer, stocker et envoyer des données le long de routes de distribution ce réseau. Je passe peut-être trop de temps à écouter ma soeur neuropsychologue, Zhor, mais j'aime beaucoup penser au UNDP Accelerator Lab comme un réseau de neurones partageant l’information. Lors du bootcamp, nous avons participé à un exercice, «Les nouvelles de demain», dans lequel on nous a demandé d'écrire des nouvelles qui importaient pour nous et nos pays. Au total, le réseau du UNDP Accelerator Lab couvre plus de 60 pays et les titres de presse issue de cet exercice allaient du chômage des jeunes à la gestion des déchets, des systèmes de santé défaillants, à la pollution automobile, en passant par la paix et la sécurité. Nous pouvions clairement voir un schéma de pensée, lorsque chacun de nous partageait nos gros titres, nous faisions partie de quelque chose de plus grand avec un pouls et une âme qui lui était propre. Plus qu'un réseau informatique composé de zéros et de uns, nous étions des nœuds dispersés dans le monde entier, dotés d'un appétit rare et magnifique pour l'empathie et l'apprentissage. Ensemble, nous voyons le monde sous tous les angles, nous synchronisons nos actions et nous contribuons à nous garder humble mutuellement face à la tâche gigantesque qui nous attend: changer un modèle de développement désensibilisé qui n’est plus pertinent pour traiter les problèmes des personnes que nous servons.

La ville de Kigali reflète l’idée de ce que l’action collective organisée peut accomplir avec «Umuganda», un nettoyage communautaire obligatoire tenu le dernier samedi de chaque mois, qui donne une impression générale et unique de propreté dans toute la ville. L'idée semble être de travailler ensemble en tant que réseau pour maintenir les rues plus propres.

Certains neuropsychologues ont découvert qu'être égocentrique semble être inné pour l'homme, il existe néanmoins une partie de votre cerveau qui reconnaît votre manque d'empathie dans certaines situations et le corrige automatiquement (Max Planck, 2013). En effet, le «gyrus supramarginal» nous aide à distinguer notre propre état émotionnel de celui des autres et est responsable de l’empathie et de la compassion. Notre cerveau veut être empathique et détecte quand nous ne le sommes pas. Ma sœur parle aussi beaucoup du concept d ’« État de repos », « resting state » : ce que nous faisons quand nous ne faisons rien révèle beaucoup de choses sur nous.

Je conclurai sur l’idée que même lorsque le UNDP Accelerator Lab est au repos, nous restons connectés et nous nous appliquons à faire preuve d’empathie. Cela en dit long sur notre histoire. Nous sommes les nœuds de ce réseau, le gardant ancré dans la réalité et le cœur des gens. L’état de repos du cerveau est plus que la rêverie, il est également actif lorsque nous pensons aux autres, nous souvenons du passé ou nous imaginons l’avenir. C’est ce que fait le laboratoire: nous évaluons continuellement le passé, avec empathie pour le présent afin d’accélérer l’avenir. Cette ville, mon travail et notre cerveau fonctionnent de la même manière, cela m’a frappé. Je me sens comme un neurone connecté à un réseau vibrant d'êtres empathiques et, en quelque sorte, un taxi-moto dans les rues de Kigali accélérant pour relier les gens à leur destination. Si vous avez aimé cet article, n'hésitez pas à nous contacter et à nous faire part de vos idées sur la manière dont notre réseau peut contribuer à la conception de solutions empathiques et pertinentes pour les problèmes qui comptent pour vous.

Oumayma RAIMI-RODE

Head of Experimentation UNDP Accelerator Lab